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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
29 octobre 2016

Las Arañas de Marte, de Gustavo Espinosa. (par Antonio Borrell)

Las Arañas de Marte, de Gustavo Espinosa. (par Antonio Borrell)

 

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(Editorial HUM, Montevideo, 2011, 170 pages)

 

Gustavo Espinosa est un écrivain uruguayen né en 1961 à Treinta y Tres, petite ville du nord-est du pays, et capitale du « folklore » national. Il est professeur de littérature dans le secondaire, critique, musicien, et auteur de plusieurs recueils de poésie et de romans primés dans son pays. «Las Arañas de Marte » est son troisième roman, paru en 2011 et couronné en Uruguay par le Prix Bartolomé Hidalgo en 2012. Encore primé par le Bartolomé Hidalgo en 2016 pour son nouveau roman « Todo termina aquì », Gustavo Espinosa s'impose comme un auteur majeur dans son pays, et bientôt plus largement, on peut le parier. A traduire d'urgence en français !

 

Le titre du roman vient de David Bowie, « The Spiders from Mars », et situe parfaitement cette histoire (inspirée d'évenements réels) au milieu des années 1970, alors que le pays vit sous une dictature « civico-militaire » depuis 1973. Le livre se présente comme le récit d'un narrateur évoquant ses souvenirs de jeunesse pour un ami d'enfance, cloué depuis toujours dans un fauteuil roulant et devenu écrivain, qui souhaite en faire la matière d'un roman. Tous deux sont originaires de Treinta y Tres, bien que de milieux sociaux différents et politiquement opposés.

Enrique Segovia, surnommé « Quique », le narrateur se souvient donc de la lointaine année 1975 dans sa ville natale, où il débutait comme musicien aux côtés de Romàn Rìos « trovador » bas de gamme, et de la chanteuse Viali Amor, formant un groupe un peu minable pour animer des soirées privées ou des fêtes de quartiers populaires. C'est un dernier été au pays avant de longues années d'exil, une éducation sentimentale et sensuelle mais clandestine auprès de Viali Amor, un engagement politique un peu confus servi par la musique, en opposition à la dictature. Mais tout sera brisé une nuit par une opération militaire qui liquidera ce groupe de jeunes gauchistes à cheveux longs et « pattes d'éph ». Certains connaitront le viol et la torture, et les années de prison, et les autres un exil prolongé en Australie ou en Scandinavie.

Bien longtemps après, « Quique » reviendra en Uruguay et essayera de savoir ce que sont devenus ses amis d'alors, Romàn et surtout Viali...

Si le récit est marqué par la tragédie, les regrets et la nostalgie de cette jeunesse enfuie, Gustavo Espinosa ne renonce jamais à cette ironie si caractéristique de son écriture, un humour qui émaille de nombreuses pages du roman, en faisant une œuvre forte, poignante et solide. On y retrouve un univers semblable à celui du précédent roman de l'auteur « Carlota podrida » : la ville de Treinta y Tres, ses quartiers populaires, ses musiciens ringards, ses marginaux, bien que l'intrigue en soit très différente.

Après une telle lecture on n'a qu'une hâte : lire au plus vite « Todo termina aquì » !

 

(N.B. : Peu de temps après avoir lu « Las Arañas de Marte », j'ai eu l'occasion de découvrir « Todo Lejos » (2014) de l'espagnol Alfons Cervera, qui évoque aussi un groupe de musiciens et de militants confronté à la répression franquiste dans les années 70. Deux courts romans assez différents dans la forme mais qui se font écho d'une manière impressionnante.)

 

EXTRAIT : « Los otoños en Treinta y Tres solían componerse de tardes perfectas y translúcidas. Andar en bicicleta por las calles de aquellas tardes era como pasearse despreocupado por una casa extensa y limpia. Te parecerá, con razón, que trato de establecer un paralelismo demasiado fácil. Sin embargo, aquel abril del 75 no tuvo nada de eso. El otoño se presentó como un bodrio empantanado, apesadumbrado de lloviznas pegajosas y veranillos como jaquecas. Yo vivía ahogado en una paranoia irrespirable. Los demás (el Lolo Martínez con sus platos voladores, Raquel con su “Qué hacer”, etcétera), que en verdad eran más valientes, más despreocupados o más estoicos que yo, me parecían unos idiotas incapaces de notar, en su aturdimiento, el espanto que nos amenazaba. El Certamen Treinta y Tres Busca Una Voz había llegado a su feliz término, según el diagnóstico del petiso Simonetti, con el más que merecido triunfo de Marcelito Mandián, el Gorrión de Las Delicias, un niño disfrazado de gaucho enano, responsable de las más estridentes versiones de Sabor a Almendra. No había, por lo tanto, más ensayos, ni cerveza bajo las nueve lamparitas de colores, ni nada más que Viali para distraerme un poco del miedo a los camaradas de armas del Cholo Miraballes. Ya había demasiado barro y mosquitos en la Isla de los Putos. Si casi dejé de visitarte en las noches de aquel otoño fue menos por temor a perjudicar a aquel pobre muchacho defectuoso que por adicción a la Broche de Oro. Ella había estado prometiendo conseguir los auspicios de algunos almaceneros sensibles a sus encantos para contratar un espacio en la radio. Me pedía que compusiera algunas canciones lindas para que pudiéramos estrenarlas. Yo tampoco cumplía. »

 

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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