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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
17 janvier 2017

"Pichis" de Martin Lasalt, par Antonio Borrell

Pichis

 

Editorial Fin de siglo, Montevideo, 2016. 90 pages.

Martin Lasalt est né à Montevideo en 1977, et sa première vocation fut celle de peintre. A l’adolescence il se tourne vers l’écriture, puis fera des études de graphisme, de communication, de beaux-arts (option cinéma) tout en participant à des ateliers d’écriture et des projets collectifs sur les deux rives du Rio de La Plata. Son premier roman, « La entrada al paraiso », paru en 2015 reçoit un prix en Uruguay. « Pichis » est son second livre publié.

 

 

« Pichis » en Uruguay est le terme péjoratif qui désigne le groupe social le plus marginal et déshérité, ceux qui fouillent les poubelles pour survivre. Mais l’auteur se tient loin d’une chronique misérabiliste, et entraine ses « pichis » dans un univers fantastique tout en évoquant très crument la dureté de leur condition : un grand-écart risqué et bien réussi, un livre surprenant à la limite entre le roman et le recueil de contes, dont on prend de plein fouet l’humour grinçant et sarcastique autant que certaines envolées poétiques !

« Cholo » et « Chola » sont les deux anti-héros de ce très court ouvrage : un couple de « pichis » sans âge, affreux, sales, teigneux et humiliés, ils vivent dans un « rancho », une cabane dans un bidonville. Très vite on devine qu’ils n’ont aucune chance de s’en sortir par un « happy end ». Au début de chaque chapitre, ou presque, on les trouve plongés dans un conteneur à ordures dont ils remuent le contenu  dans l’espoir d’y trouver quelque chose à manger ou à vendre. Et soudain une trouvaille va déclencher des évènements fantastiques ! C’est par exemple une tête humaine coupée  qui dans la nuit se met à parler et annoncer la fin du monde, ou bien une autre fois, c’est un clavier électronique dont la musique va littéralement faire s’envoler tout le bidonville pour une brève promenade nocturne au-dessus de Montevideo !

Mais le quotidien de « Cholo » et « Chola » est en général beaucoup moins plaisant : poubelles, charognes, crasse, faim, mendicité aux feux rouges, mépris, contrôles de police, marches épuisantes au long d’avenues interminables, chaleur l’été et froid mortel l’hiver, disputes de vieux couple, une existence infernale dont seul un auteur de talent pouvait faire une littérature aussi juste dans laquelle, comme l’a dit un critique uruguayen : « Le fantastique donne un nouveau souffle au réalisme ».  A lire et traduire d’urgence en français…

 

Extrait : «Dos pichis que se llamaban el Cholo y la Chola encontraron una cabeza en un contenedor de basura. Por el olor podían decir que no estaba recién cortada, además tenía los ojos hinchados y negros, y de la boca le salía la lengua negra a punto de reventar. Quedaron espantados y fascinados, y se la llevaron al rancho. La dejaron arriba del televisor y se durmieron enseguida, porque habían trillado sin parar y no daban más. A medianoche los despertó una voz. Primero pensaron que el televisor había quedado prendido, pero se acordaron de que el volumen estaba roto y saltaron del colchón. La cabeza susurraba: “Que los justos vayan a los lugares altos”.

Salieron disparados, corrieron por la superficie del arroyo y terminaron en Avenida Italia. Recién a las veinte cuadras de carrera bajaron la velocidad. La Chola dijo que mejor paraban un poco. Boqueaban como pescados, sudaban a chorros, tenían la lengua y la garganta secas, les dolía todo el cuerpo, y capaz que no había tanta urgencia de encontrar los lugares altos. Capaz que la cabeza exageraba. Pararon. Capaz que ellos exageraban y no se venía el diluvio, el cometa, la peste, ni el tsunami.”

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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