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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
13 novembre 2017

« Prohibido besar a las cholas », de Luiz Carlos Reátegui. (par Jorge Cuba Luque)

 

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Grupo editorial mesa redonda, 2017, 72 pages

ISBN : 9786124300

 

Luiz Carlos Reátegui est né à Loreto (Perou)  en  1985. Il est avocat. Il a obtenu différents prix littéraires pour ses nouvelles (Cuba, Espagne, Argentine). En 2014 il publie Isabella Nápoles, roman historique bien reçu par la critique. Prohibido besar a las cholas (Il est interdit d’embrasser les ‘cholas’) est paru cette année.    

 

Pour un lecteur non péruvien le titre Prohibido besar a las cholas du recueil de nouvelles de Luiz Carlos Reátegui, peut paraître une bizarrerie, mais le Pérou est une nation essentiellement métisse, c'est-à-dire le résultat du brassage des populations autochtones et européennes notamment espagnoles. Et tout Péruvien sait bien que le terme « cholo » est synonyme de métisse…mais dans l’ancien pays des Incas il y a métisse et métisses. Les cholas du titre sont en fait des métisses à forte ascendance andine, autrement dit les victimes des préjugés racistes car le Pérou est une société ancré dans le racisme.

Mais ici on parle de littérature, pas de sociologie, et ce que Luiz Carlos Reátegui a voulu faire avec ce recueil c’est de représenter la ville de Lima telle qu’il la connait ou, plutôt, telle qu’il la ressent : ses personnages sont souvent des solitaires même s’ils sont entourés de gens.  Dans « Reflejo » le premier des dix récits du volume, le narrateur peu  à peu nous fait connaître sa laideur, laquelle aura fait de lui un exclu malgré ses efforts pour s’approcher des autres, les jeunes gens petits bourgeois de Lima. Efraín, personnage de « El hombre que saltó y voló », une autre des nouvelles, est aussi un exclu, un marginal, un handicapé qui traine une jambe; un jour il sauvera in extremis la vie d’une petite fille mais bien qu’il reçoive les remerciements du père, il  sait qu’il restera quelqu’un de différent qui n’a que son monde à lui pour se sentir bien et un, un jour, il décide de s’envoler : il saute du bord d’un précipice.  Ces deux histoires abordent le thème de l’exclusion sociale mais Luiz Carlos Reátegui les a élaborée avec finesse, axées sur l’intériorité de ses personnages. 

Quant à Lucio, le narrateur de « La mesa del rincón », ce n’est pas un exclu, du moins pas comme les autres. C’est un jeune homme qui suite à un divorce a perdu son statut social aisé et aujourd’hui est serveur dans un restaurant au cœur de Lima. Le salaire est modeste mais ce sont les pourboires  laissés par les clientes  (journalistes, hommes d’affaires, politiciens) qui le font monter en provocant une amicale rivalité entre les serveurs. Un jour se met à table un type à l’allure argentée à juger par ses vêtements. Lucio s’occupe de sa commande mais au moment de régler l’addition, en profitant de l’absence du serveur, le client disparait sans payer. Lucio est évidement  déçu mais il ne le dit pas, le lecteur le lit entre lignes et  l’on comprend que cette déception dépasse l’absence du pourboire. Car les personnages des nouvelles de ce livre  sont des êtres fragiles, mais qui gardent l’espoir.  

Dans ce sens, « Prohibido besar a las cholas » la  fragilité et l’espoir récompensent au personnage principal car il arrive  à être compris et aidé par un autre être humain, c'est-à-dire, sans aucun intérêt. Un jeune cadre d’une entreprise de Lima a une « manie » mal vue par ses collègues, celle de saluer en l’embrassant la femme de ménage,  Ernestina, une chola. Un jour, le jeune homme se verra refuser un prêt bancaire nécessaire à son inscription en master. Ce sera Ernestina qui lui donnera la piste pour accéder au prêt de la banque. 

Luiz Carlos Reátegui nous propose ici des nouvelles sur des gens simples, sur la bonté. Il y a des échos des récits de l’Américain O. Henri mais le Péruvien a ses propres signes d’écriture, nourris de la façon de parler ds gens de Lima tout en gardant une structure formelle. Prohibdo besar a las cholas est un de ces livres qui font du bien car il est conçu et élaboré sans prétentions , et nous fait nous sentir solidaires de ses personnages en qui nous nous reflétons. 

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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