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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
23 décembre 2017

« Encantado » de Amir Hamed. (par Antonio Borrell)

Amir_Hamed_Encantado_2014

H ediciones, Montevideo, 2014, 60 pages

ISBN : 978-9974-8390-3-8

 

Disparu en novembre 2017, Amir Hamed était né en 1962 à Montevideo. Son père, musicien et d’origine syrienne, emmena toute la famille  quelques années en Egypte par admiration pour Nasser. De retour au pays, la jeunesse d’Amir Hamed dans les années 70-80 se déroule sous la dictature « civico-militaire ». Après des études universitaires en Uruguay, il obtient un doctorat en littérature ibéroaméricaine à l’université de l’Illinois, puis enseigne dans diverses universités de son pays. Erudit, traducteur de Shakespeare, éditeur, anthologiste, essayiste et romancier, fan de Bob Dylan, il sera aussi musicien et chanteur dans un groupe de rock. Considéré comme un auteur difficile et sans concessions, il était très estimé par bon nombre de ses pairs et son décès a causé une grande émotion. 

Ses oeuvres les plus connues sont : des romans, Artigas Blues Band (1994), Troya Blanda (1996), Semidiós (2001), Cielo 1/2 (2013) et Febrero 30 (2016) ; des recueils de nouvelles, Qué nos ponemos esta noche (1992) et Buenas noches, América (2002) ainsi que des recueils d’essais; Retroescritura (1998) ou Mal y Neomal: rudimentos de geoidiocia (2007). 

  

« Encantado » est un essai, mais « un essai conté » qui cherche à retourner aux origines du merveilleux, de l’enchantement, aux lointaines sources mythologiques de la littérature occidentale, que l’auteur estime trop oubliées, voire dénaturées dans bien des oeuvres actuelles. Dans un impressionnant exercice d’érudition, Amir Hamed convoque Orphée et Eurydice, les fées « mâles ou femelles », les ogres, les vampires et tout un cortège d’êtres imaginaires, comme Schéhérazade, Abraham et le Christ…

« Nos rapta, nos encanta: cuando irrumpe, se suspende el tiempo de la vida y de la muerte, abriéndose un pabellón, el de las hadas, que es el de una naturaleza en suspenso… »

On aimerait parfois avoir le quart de l’immense culture de l’auteur pour arriver à saisir son raisonnement et ses allusions dans toute leur finesse. De la littérature anglaise médiévale suivie de Shakespeare avec le Songe d’une nuit d’été, il arrive aux XVIII° rationaliste et au XIX° bourgeois, auxquels il reproche d’avoir rationalisé et asexué le merveilleux, à l’exemple des frères Grimm qui ne sont guère épargnés :

« Las hadas, hembras o machos, hasta ahí tremebundas, eran una intrusión afrodisíaca, alucinógena, la sístole de un placer saturnal, recordatorio de que allí donde queramos encontrar alma hay también organismo, gula, arrecho, vulcanizaciòn de los sentidos. (…)  Pero el triunfo de la burguesía, que se autoproclamò, por encima de todo, decente, nada querrá saber de estas delicias… » 

L’exemple de plus détestable de cette trahison du merveilleux au vingtième siècle sera Walt Disney « animador de derecha extrema » qui a droit a quelques lignes assez décapantes !

Le voyage se poursuit à travers l’Orient des Mille et une nuits, et l’Inde, le Kamasutra, sans oublier de croiser au passage L’Iliade, Dracula, la Bible, l’Egypte antique, Isis, Jésus, Saint Augustin, Hegel, Kant, Kierkegaard, les Croisades, les royaumes latins du Moyen Orient (sans doute une réminiscence des origines syriennes de l’auteur), et là le lecteur ordinaire commence à perdre pied…

Ce livre de soixante petites pages est d’une lecture assez ardue, c’est un torrent de références et d’images par lequel on peut se laisser porter si l’on y comprend pas tout, il y a toujours quelque idée intéressante à saisir au vol. Pour un premier contact avec cet auteur ce n’est peut-être pas le meilleur choix, il faudra essayer un jour un de ses romans…

Amir_Hamed

 

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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