Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LES LETTRES DE MON TRAPICHE
29 mai 2019

« Muerte y vida del sargento poeta », de Martin Bentancor. (par Antonio Borrell)

muerte-y-vida-del-sargento-poeta-martin-bentancor-D_NQ_NP_857684-MLU29918574970_042019-F

 

Editorial Banda Oriental, Montevideo, 2013, 110 pages.

ISBN : 978-9974-1-0849-3

Martin Bentancor est né en 1979 à Los Cerrillos une petite ville du département de Canelones, non loin de Montevideo (Uruguay), au  nord-ouest. Il vit encore dans cette région rurale où il exerce l’activité de journaliste et chroniqueur. Ecrivain et scénariste de BD, il participe aussi à des productions de documentaires. Il a publié quelques  recueils de nouvelles : ‘Procesión’ (2009) et ‘El aire de Sodoma’ (2012); ‘El despenador’ (2010) et ‘Montevideo’ (2012) et des romans : ‘La redacción’ (2010), ‘Muerte y vida del sargento poeta’ (2013) (Prix Narradores de la Banda Oriental en 2012), ‘El Inglés’  (Estuario 2015, prix national de littérature 2014) et ´La materia chirle del mundo´(2015), dont plusieurs ont été primés en Uruguay. Enfin, « La Lluvia en el muladar » (Estuario, 2017). 

Le Trapiche a déjà rendu compte avec plaisir de deux livres de Martin Bentancor, « El Inglés » et « La materia chirle del mundo » (2015). Le livre d’aujourd’hui, « Muerte y vida del sargento poeta » (2013) est un peu plus ancien. Entretemps j’ai eu bien l’honneur de traduire une nouvelle de cet auteur, parue dans l’anthologie bilingue « Histoires d’Uruguay » aux éditions Latinoir. Et surtout, j’ai eu l’occasion de me promener guidé par Martin Bentancor dans son territoire littéraire, où il vit depuis toujours, la «Tercera secciòn» du département de Canelones, à quelques dizaines de kilomètres au nord-ouest de Montevideo. C’est un territoire champêtre et en apparence très paisible, bordé par le rio Santa Lucia et ses zones marécageuses. Pourtant, lors de la visite, à chaque pont, chaque virage, au pied de quelque arbre énorme, à la vue d’une ruine mangée par la végétation, c’est un souvenir de l’auteur qui revient, et un épisode de tel ou tel de ses livres. Tout le talent de Martin Bentancor consiste à savoir donner une dimension humaine universelle à ses anecdotes, à cultiver la tradition sans tomber dans le folklore, à travers des romans aussi courts que denses.

Ce défi qui consiste à conjuguer la tradition et la modernité est encore relevé dans « Muerte y vida del sargento poeta », un texte d’à peine cent pages dont la moitié sont en vers ! Et pas n’importe quels vers : Bentancor s’inspire de l’art gauchesque de la « payada », poésie chantée par strophes de dix octosyllabes, les « décimas », un art d’improvisation donnant lieu à des duels d’improvisateurs virtuoses, les « payadores ». Cette poésie rurale pratiquée en Argentine, au Chili et en Uruguay se base sur le quotidien des éleveurs de la pampa, mais elle imprègne aussi toute une tradition littéraire uruguayenne dont Bentancor est un digne continuateur au vingt-et-unième siècle. 

La première partie du livre raconte la découverte du corps du « sergent poète ». Le narrateur est le greffier d’un commissariat de police rurale, récemment arrivé dans la « Tercera secciòn ». Un 31 décembre après-midi, sous une chaleur étouffante (hémisphère sud oblige) un habitant vient se plaindre d’une forte odeur de cadavre émanant d’une maison abandonnée. Le commissaire et son greffier partent en camionnette, suivis par le plaignant à moto. Se doutant de ce qui s’est passé, le commissaire évoque ses souvenirs du « sergent poète » qui a démissionné de la police bien des années plus tôt. Arrivés sur les lieux, ils découvrent au premier étage le cadavre en décomposition d’un vieillard, le sergent… Le commissaire repart en chargeant le greffier de surveiller les lieux jusqu’à l’arrivée du corbillard. Pendant ce long moment de solitude dans une après-midi torride, il visite les ruines peuplées de pigeons, et s’approprie un vieux cahier où le poète écrivait ses vers…

La seconde partie est un long poème, écrit par le greffier, en hommage à la mémoire du  «sergent poète ». On revient un demi-siècle en arrière pour suivre le sergent, lui aussi nouvel arrivé dans le commissariat de la « Tercera secciòn », son amitié avec le caporal Gambetta, son amour déçu pour une veuve mystérieuse, ses exploits de « payador », sa lutte contre les voleurs de bétail jusqu’à l’évènement tragique qui lui fit quitter la police. 

Enfin, la troisième partie, très courte est un index présentant certains lieux et personnages notables de la « Tercera secciòn », car tout ou presque est vrai dans cette légende. Martin Bentancor le sait bien, quand il dédie le livre à son père qui fut lui même un « payador » rival du sergent.

 

el-ingles-martin-bentancor

Commentaires
LES LETTRES DE MON TRAPICHE
  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Archives