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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
22 juillet 2019

« Moneda al aire », de Leonardo Valencia. (par Antonio Borrell)

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Ediciones Fòrcola, Madrid, 2018, 96 pages. 

ISBN : 978-8417425173 

 

Leonardo Valencia est né en 1969 à Guayaquil, grand port sur le Pacifique et plus grande ville d’Equateur. D’origine italienne par sa mère, il a aussi vécu au Pérou avant de s’installer à Barcelone en 1998. Il est docteur en littérature de l’Université autonome de Barcelone et Master d’Oxford. Il est aussi francophone. Il s’est fait remarquer avec le recueil de nouvelles « La luna nòmada» (1995, 1998, 2004) et son premier roman « El desterrado » (2000), puis « El libro flotante de Caytran Dölphin » en 2006, associé à une expérience narrative en ligne en collaboration avec Eugenio Tisselli : www.libroflotante.net  . En 2008 sont publiés l’essai « El sìndrome de Falcon » et le roman « Kazbek », et en 2014 une étude sur l’oeuvre de l’artiste allemand Peter Mussfeldt, installé en Equateur depuis les années 1960. Leonardo Valencia collabore à divers journaux en Equateur, Espagne, et d’autres pays. Il dirige aussi des formations en écriture créative. En 2017 il publie en Equateur (Editorial Turbina) un essai sur la critique littéraire, « Moneda al aire », réédité en Espagne par Fórcola. Son dernier roman « La escalera de Bramante » a été publié voici quelques mois en Colombie chez Seix Barral (Planeta). 

 

« Moneda al aire » est un essai de 65 pages sur le roman, sa lecture et sa critique, complété par une bibliographie, des notes et un index, sans rien de rébarbatif. La lecture est fluide et plaisante car le texte n’est pas encombré de jargon savant. C’est un plaidoyer pour les auteurs de romans, pour la liberté d’interprétation des textes, et contre leur enfermement dans des cases prédéterminées par des critiques trop souvent dogmatiques et aux visions réductrices. Leonardo Valencia voit le roman comme une pièce lancée en l’air et tournoyant indéfiniment sans jamais tomber sur pile ou face.

En remontant aux origines du genre pour en trouver une définition satisfaisante on trouve déjà cette tension entre pile et face, lecture édifiante ou lecture dommageable, morale ou péché. De là, surgissent deux questions : « Comment lit on un roman ? » et «Est-il nécessaire de justifier le plaisir de sa lecture»?  Ce plaisir est il légitimé si on tire de la lecture un enseignement moral ? Et par conséquent, le roman doit il se plier à des exigences morales, sociales, politiques ou autres ?

« Le romancier travaille sur sa réalité imaginaire et, en même temps, travaille sur la tradition du roman, tradition qui va au-delà de son pays et son époque, et crée sa propre imagée la réalité. Et le critique utilitaire semble ne balancer que sur des clichés, réduisant les romans à sa propre convenance et à l’opportunisme de son propre discours. » (page 56)

« C’est la manière la plus appauvrissante de lire un roman ou un ensemble de romans: leur adéquation à la vision du critique qui veut construire un récit idéologique -une histoire rétrécie de la littérature- en utilisant les oeuvres littéraires et en sacrifiant leur singularité. » (page 58)

« Le romancier se met en jeu lui-même dans la relation avec sa réalité, et finit par risque sa personne même quand il recourt à un exercice de dissimulation par la création de narrateurs ou de voix apparemment différentes de lui. Il sera toujours jugé sur sa capacité à prendre des risques moraux, en exhibant des situations différentes et contraires à sa propre pensée, tandis que le critique réductionniste ne se risque, et rapidement, qu’à une seule et tendancieuse explication du roman pour glorifier sa vision idéologique et sa personne. Nombreuses sont les écoles critiques qui finissent par se constituer en un isme. » (page 59)

Alors que le roman et toutes les formes d’expression artistique qui ont si difficilement échappé à l’emprise des religions et totalitarismes se trouvent confrontés à de nouvelles vagues moralistes « postmodernes » sous prétexte notamment de « défense de catégories opprimées », voilà un ouvrage érudit et humaniste qui apporte une bouffée de liberté et va à contre-courant de certains délires universitaires trop envahissants (sans les citer explicitement car son propos est plus large).

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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