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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
8 décembre 2019

« Barro y rubì », de Hugo Fontana. (par Antonio Borrell)

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Editorial Estuario, Montevideo, 2013, 150 pages.

ISBN : 978-9974-699-40-3

 

Journaliste et critique littéraire, Hugo Fontana est né à Canelones, Uruguay, en 1955. Il a collaboré à de nombreux médias. Il a publié des livres de fiction et de poésie comme des enquêtes journalistiques, notamment « La piel del otro: la novela de Hector Amodio Pérez » (plusieurs éditions entre 2001 et 2012) consacrée à un personnage controversé du mouvement des Tupamaros, accusé par certains d’avoir livré ses compagnons aux militaires avant de fuir le pays en 1972. Une affaire encore brûlante 45 ans après. Il est aussi l’auteur de l’enquête intitulée « Historias robadas: Beto y Débora, dos anarquistas uruguayos » (2003) sur deux anciens militants anarchistes octogénaires. 

Dans le domaine de la fiction, il a publié des recueils de nouvelles : Liberen a Bakunin (1997), Las historias más tontas del mundo (2001), Oscuros perros (2001) y Quizás el domingo (2003) et divers romans, notamment dans le genre noir/policier : El cazador (1992), Y bésame así (1996), El crimen de Toledo (1999), Veneno (2000, 2007), El príncipe del azafrán (2005), La última noche frente al río (2006), Un mundo sin cielo (2008, Premio Nacional de Literatura 2010) y El noir suburbano (HUM, 2009), Barro y Rubí (2013). El agua blanda (HUM, 2017) est son roman le plus récent. 

 

Erika est une détective privée audacieuse installée dans la vieille ville de Montevideo, face à un bureau d’état civil d’où ne cessent de sortir des couples qui viennent de s’y marier, accompagnée de leur joyeuse suite qui les arrose de pluies de grains de riz. Un rituel bruyant et immuable que pratique toutes les classes sociales, qui se différencient d’avantage par leurs accoutrements. (Pour qui connait Montevideo ce lieu et ce rituel sont familiers) Erika partage son bureau et sa salle d’attente avec sa cousine la psychanalyste Angela, ce qui ne manque pas de provoquer des quiproquos amusants. Dans la bibliothèque une bouteille de whisky est cachée derrières les livres de fameux psychanalystes et autres penseurs, notamment français, l’occasion de petites piques réjouissantes telles que celle-ci sur Lacan : « maldito tonto arrogante… inextricable y gratuito como todo francés.» . Mais Hugo Fontana reconnait aussi une prédilection pour Foucault.

Comme tout détective privé qui se respecte, Erika est portée sur le whisky, les bars enfumés, la drague et les aventures sexuelles sans trop de lendemains. Elle sait aussi utiliser sa beauté et son décolleté pour gagner la confiance des personnes à interroger, et obtenir leurs confidences, voire plus si affinités.

Un jour (on est dans les années 2010) un monsieur élégant d’un certain âge, se faisant appeler Scorza (ou Lanza) se présente au bureau d’Erika pour lui demander de retrouver un vieux film pornographique tourné en 16 millimètres cinquante ans plus tôt à Punta del Este par un important homme politique et son épouse, avec d’autres partenaires. Il lui suggère également de suivre la piste d’une certaine Lucia Star, jeune actrice pornographique uruguayenne en activité. Cette conversation est l’occasion d’un échange érudit sur le cinéma érotique depuis ses origines dans la France des Frères Lumières, jusqu’à notre époque et ses stars américaines d’internet.  

Commençant le soir son enquête dans les bars de la Ciudad Vieja, Erika y rencontre un de ses amis, « El Cabra », dealer en aphrodisiaques et stimulants divers, mais également cinéphile passionné, qui s’impose comme acolyte dans cette quête. Chargé de surveiller et filer Lucia Star et les quelques individus peu recommandables qui entourent celle-ci, il récoltera deux passages à tabac qui chaque fois l’enverront à l’hôpital.

De son côté Erika peine à avancer dans son enquête, ne comprenant pas le lien entre un film amateur datant de cinquante ans, et les professionnels d’aujourd’hui. Elle finit par retrouver le réalisateur du vieux film, qui est devenu un grand documentariste couronné dans divers pays pour ses oeuvres dénonçant la dictature des années 70-80. Il lui affirme n’en avoir conservé aucune copie. C’est par hasard qu’elle découvre dans une galerie d’art un tableau récent d’un fameux peintre octogénaire où elle reconnait les traits de Lucia Star ! Elle se lance alors sur les traces du peintre Cuco Gorriti, mais le retrouve mort chez lui fraichement tué d’une balle dans la tête devant un écran où il visionnait les exploits d’une porn-star américaine. Il y aura un autre cadavre, rien moins que le monsieur Scorza du début, et une entrevue avec un politicien en campagne électorale, mais on ne va pas dévoiler ici le fin mot de l’histoire.

L’auteur ne s’encombre pas trop de réalisme dans les relations humaines quand l’héroïne prend pour amant « El Petiso » celui qui a cassé la figure à son associé « El Cabra », mais dans l’ensemble « Barro y rubì » est un roman policier divertissant où l’intrigue est un prétexte à nous faire découvrir, non sans une dose de dérision, certains lieux et milieux peu connus de l’Uruguay contemporain, et certains moments de son histoire récente. Hugo Fontana est journaliste et l’on veut bien croire qu’il sait de quoi il parle. 

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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