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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
30 janvier 2020

« Los colores primarios » de Martin Bentancor. (par Antonio Borrell)

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Editorial Más Quiroga, Montevideo, 2019, 65 pages.

ISBN : 978-9974-94-370-4 

Martin Bentancor est né en 1979 à Los Cerrillos une petite ville du département de Canelones, non loin de Montevideo, au  nord-ouest. Il vit encore dans cette région rurale où il exerce l’activité de journaliste et chroniqueur. Il participe aussi à des productions de documentaires. Il a publié quelques  recueils de nouvelles : ‘Procesión’ (2009) et ‘El aire de Sodoma’ (2012); ‘El despenador’ (2010) et ‘Montevideo’ (2012) et des romans : ‘La redacción’ (2010), ‘Muerte y vida del sargento poeta’ (2013), ‘El Inglés’  (Estuario 2015, prix national de littérature 2014) et ´La materia chirle del mundo´(2015), dont plusieurs ont été primés en Uruguay. « La Lluvia en el muladar » (Estuario, 2017). « Los colores primarios » éditions Màs Quiroga (2019), et « El fondo del quilombo » (Estuario, 2019). Sa nouvelle « Domination » est traduite en français dans l’anthologie bilingue « Histoires d’Uruguay » aux éditions Latinoir, en 2018. C’est un des auteurs que le Trapiche suit avec intérêt depuis quelques années.

Voilà cinq textes dans une jolie édition au format carré original, illustrée de photos en noir et blanc des paysages de la « Tercera Secciòn », ce coin du département de Canelones en Uruguay où Martin Bentancor situe les nouvelles et romans qui constituent son oeuvre. En sortant de Montevideo par la route 5 puis la route 36, au bout d’une trentaine de kilomètres vous arriverez à Los Cerrillos. Toute cette zone très verte est bordée au sud, à l’ouest et au nord par une ample courbe du Rio Santa Lucia et de ses marécages où les roseaux se balancent doucement sous le vent.  (On en aurait presque des réminiscences de l’enfance de Panaït Istrati) C’est ce terroir que Martin Bentancor sillonne depuis l’enfance, et dont il connait tous les personnages, la faune, la flore et les anecdotes dont il nourrit ses fictions. On peut le classer dans la lignée des écrivains ruraux  comme Morosoli et Espinola, mais Bentancor vit bien dans son temps, et même quand il évoque le passé, l’approche reste contemporaine, plus réaliste que « folklorique ». Et comme souvent dans ces régions rurales et conservatrices, l’irruption d’un étranger est un évènement qui marque les esprits, parfois sur des générations.

El tiempo està malo : une nuit une série de phénomènes inexplicables se produisent dans un village. Ayant vainement cherché à les comprendre, quelques hommes importants du voisinage, dont le commissaire Lestido, déjà rencontré dans « Muerte y vida del sargento poeta » se retrouvent au bar, et après quelques échanges laconiques font porter la responsabilité des faits à un étrange vendeur de mercerie ambulant que la police avait chassé de son territoire peu de temps avant. Il ne pouvait qu’être un diable et il s’est vengé à sa manière.

Persistencia : un pêcheur retrouve un pendu sous une branche d’arbre, et l’enquête montre que l’homme s’est acharné à se suicider de trois manières différentes et presque simultanées.

Mi primer muerto : l’auteur et narrateur réfléchit sur l’omniprésence de la mort dans son oeuvre tout en se souvenant de la première veillée funèbre d’un paysan à laquelle il avait assisté enfant, emmené par son père, lui aussi disparu depuis. 

Las brujas de Las Brujas : ici c’est l’arrivée de deux soeurs étrangères au canton à la fin du dix-neuvième siècle qui est racontée. Vivant un peu en marge elle sont bientôt considérées comme des sorcières (brujas), jusqu’au jour où elles disparaitront dans l’incendie de leur maison sans laisser la moindre trace, à part le nom du parage au bord des marais.

Los colores primarios : « j’aimais déjà les étrangères quand j’étais un petit enfant »… ici c’est encore une étrangère qui fait irruption dans un printemps de la « Tercera Secciòn » aux fleurs multicolores. La fiancée d’un riche commerçant du coin, fraichement arrivée de la capitale, Montevideo, suscite les commérages des parents et l’admiration ambigüe des enfants, qui la suivent à distance respectueuse quand elle se promène dans les champs. C’est aussi l’expression d’une nostalgie de l’enfance et des fleurs depuis lors décimées par les herbicides de l’agro-industrie.

Ultime touche d’humour, le livre est émaillé de petits « encarts publicitaires » parodiant les réclames d’autrefois, celles des divers établissements évoqués dans les nouvelles. En résumé ce livre offre un bel échantillon de l’oeuvre de Martin Bentancor, idéal pour qui voudrait la découvrir.

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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