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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
20 septembre 2020

« Mala onda », d’Alberto Fuguet. (par Antonio Borrell)

mala onda

 

Editions Debolsillo, Chili, 2016, 320 pages.

ISBN : 978-956-325-254-5

Alberto Fuguet est né à Santiago du Chili en 1964. Après une enfance en Californie, avec sa  famille il revient au pays en 1975, sous la dictature de Pinochet. Alors qu’il ne parlait pas espagnol, les livres l’aident à s’intégrer dans cette culture nouvelle pour lui. Il fait des études de sociologie puis de journalisme à l’Université du Chili. En 1990, son premier recueil de nouvelles s’intitule « Sobredosis » (overdose). « Mala onda », sorti en 1991 chez Alfaguara est son premier roman. Il se fait remarquer une fois de plus en 1996 comme coordinateur d’une anthologie qui fera date, « McOndo » (jeu de mots dérisoire sur le Macondo de Garcìa Marquez), avec plusieurs auteurs de sa génération, et apparait comme un manifeste s’opposant à la littérature du « Boom » et au réalisme magique, lesquels avaient figé une certaine image du continent Sud-Américain maintenant dépassée. Avec eux on passe dans une réalité plus crue, celle des grandes villes et des quartiers populaires, de la drogue, de la prostitution, de la mondialisation et du libéralisme effréné hérité des dictatures militaires de droite. On peut considérer que le génie Roberto Bolaño leur a largement ouvert la voie.

Alberto Fuguet se consacre également au cinéma, comme scénariste et réalisateur. Cette activité marque aussi un certain nombre de ses livres. S’il faut le cataloguer, on peut penser qu’il restera considéré comme la figure de proue d’une « génération McOndo » née dans les années 60, aux côtés notamment du bolivien Edmundo Paz Soldàn, ou des uruguayens Gustavo Escanlar (à qui Fuguet a consacré un livre, Todo no es suficiente. La corta e intensa vida de Gustavo Escanlar, Alfaguara, 2015), Gabriel Peveroni et Lalo Barrubia, dont le Trapiche a déjà évoqué les oeuvres. Mais cette liste n’est pas exhaustive. 

Bibliographie partielle : Romans : Mala onda (1991) , Por favor, rebobinar (1994), Tinta roja (1998), Las películas de mi vida (2003), Missing (una investigación) (2009)
Aeropuertos (2010), No ficción (2015), Sudor (2016). Nouvelles : Sobredosis (Deambulando por la orilla oscura) (1990), Cortos (2004), Prueba de aptitud (2006), Juntos y solos (2014)

Anthologies : Cuentos con Walkman, 1993 (Coeditado con Sergio Gómez), McOndo, 1996 (Coeditado con Sergio Gómez), Se habla español: voces latinas en USA, 2000 (Coeditado con Edmundo Paz Soldán)

 

Ce roman chilien fait écho à une autre lecture récente du Trapiche, celui du bolivien Edmundo Paz Soldàn, « Rio Fugitivo ». Les auteurs sont nés au milieu des années 1960, et sont deux des principaux acteurs du mouvement McOndo, et les deux romans évoquent la vie de lycéens de classes sociales moyennes ou supérieures dans deux grandes villes au début des années 80. Education sentimentale et sexuelle, prise de conscience politique, découverte des drogues, sont quelques-unes des expériences qu’ils ont en commun. Bien que les deux pays soient voisins, leurs situations à cette époque sont radicalement différentes : en Bolivie un retour difficile à la démocratie sur fond de terrible crise économique, au Chili, sous la botte de la dictature de Pinochet, une certaine prospérité pour les catégories sociales associées au pouvoir.

« Mala Onda », c’est une dizaine de jours dans la vie de Matias Vicuña, lycéen de bonne famille de Santiago, une semaine de crise et de ruptures à la veille du référendum organisé par la dictature, en septembre 1980, en vue de se maintenir au pouvoir. Le récit commence à la première personne, le dernier jour d’un voyage de classe au Brésil, occasion d’un grand défoulement pour ces gosses de riches : plage, fêtes, flirts, sexe, cachaça et cocaïne. Matias n’a aucune envie de retourner à l’ennui de Santiago du Chili, ni de retrouver sa famille. Bien qu’amoureux d’Antonia, une de ses camarades de classe, il sait que celle-ci s’éloigne de lui. La longue attente du vol à l’aéroport est l’occasion de commencer à nous présenter un certain nombre de ses condisciples.

De retour au bercail on découvre la famille, le père quadragénaire en plein démon de midi qui se comporte en adolescent et en copain de son fils, chose qui l’insupporte. La mère, bourgeoise trompée qui surprendra tout le monde à la fin. Mais aussi la bonne, les sœurs, le grand-père maternel, juif hongrois rescapé et converti au catholicisme, fierté de Matias, bien que la mère fasse tout pour occulter cette origine juive. Un baptême dans la famille, un week-end sur la côte avec des copains surfeurs, les journées au lycée, les marivaudages avec les copines de classe, les soirées dans des bars branchés, les fêtes chez les uns et les autres, les aventures d’une nuit, l’alcool et la cocaïne, rien de tout ça ne parvient à sortir Matias d’un sentiment de vide et de dégoût de son existence. 

À mesure que la date du vote approche, le débat sur le « oui » et le « non » est de plus en plus présent, mais on évolue dans un milieu acquis au « oui ». Pourtant Matias entretient une relation sentimentale et platonique avec sa prof de lettres, une brillante intellectuelle de gauche qu’il voit discrètement en ville dans des restaurants végétariens. Lorsqu’il la découvre quelque peu antisémite, la déception est cruelle, et il rompt avec elle. Il cesse alors d’aller au lycée, erre toute une journée en ville, puis rentre à la maison pour une soirée organisée par ses parents dont il ne supporte pas les invités, parents et amis. C’est alors qu’un accrochage avec sa mère le pousse à la fugue en pleine soirée, en ayant pris soin de subtiliser de quoi survivre dans le portefeuille de son père.

Commencent alors deux jours d’errance dans une ville dont il découvre qu’il ne la connait pas vraiment : les quartiers pauvres, et le centre-ville en proie aux violents affrontements entre forces de l’ordre et partisans du « non ». Le hasard l’amènera à rencontrer son grand-père, puis c’est le père qui le retrouvera, ce sera l’occasion d’une surprenante réconciliation…

Malgré la dureté de ce qui est raconté la lecture est prenante, le langage est cru et direct et la tension est constante. La construction est assez linéaire : chaque chapitre est daté avec précision, sans aucune monotonie, notamment par le recours, à l’intérieur de chaque journée, à un jeu d’avance et flash-back rapide, et aussi à des changements de personne dans la narration, tantôt la première, tantôt la seconde, et beaucoup de dialogues, l’ensemble étant très cinématographique, évidemment.

Encore un de ces romans importants de l’Amérique latine actuelle dont on ne comprend pas pourquoi l’industrie éditoriale française ne s’y est pas intéressée… (Alors qu'il est déjà traduit en anglais, allemand, portugais...)

Prólogo libro McOndo

Vivendo nelle odierne città sudamericane, siamo lontanissimi dalle atmosfere da siesta beata e dal profumo di jalapeños che aleggiano dietro a troppi paesaggi letterari sudamericani. In passato, gli scrittori latinoamericani si sentivano obbligati a lasciare i loro paesi d'origine per riuscire a scrivere della loro terra.

https://web.archive.org

Alberto-Fuguet11

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