Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
LES LETTRES DE MON TRAPICHE
24 janvier 2021

« Maldito Levrero ! », de Jerome Vonk. (par Antonio Borrell)

jerome vonk maldito levrero

 

Editorial Rumbo, Montevideo, 2019, 100 pages.

ISBN : 978-9974-893-44-3

 

Jerome Vonk est né aux Pays-Bas, mais sa famille s’installe au Brésil quand il avait 3 ans, au début des années 60. Tombé amoureux de l’Uruguay, il s’est installé à Colonia del Sacramento, petit port sur le Rio de la Plata, face à Buenos Aires. Il a écrit quelques livres en portugais : « Puta merda » qui raconte avec humour sa traversée de « 80 jours sans boire » (de vin supposera-t-on), ainsi que d’autres titres sur les processus mentaux de la créativité, « Como ter ideias » et « As 10 leis invisiveis que fazem a sua cabeça », ou un livre sur Steve Jobs. 

  

« Maldito Levrero ! » est un hommage, en forme de pastiche, à l’écrivain uruguayen Mario Levrero, décédé en 2004, dont Jérôme Vonk a découvert les œuvres lors d’un premier séjour à Colonia del Sacramento en 2017. Ce livre a été d’abord écrit en brésilien, puis traduit en espagnol par Romàn Presno, pour l’édition uruguayenne que j’ai pu lire, après avoir assisté à une rencontre publique avec l’auteur à la foire internationale du livre de Montevideo en octobre 2019. 

2019 : 1 octobre, Une après midi autour de Mario Levrero à Montevideo - Dix ans de retard

Après la cérémonie protocolaire d'ouverture le lundi soir, le 42° salon du livre de Montevideo a réellement commencé ses activités ce mardi 1 octobre dans les locaux de la "Intendencia" (la mairie) sur l'avenue "18 de julio" en plein centre ville !

http://dixansderetard.canalblog.com

Autant le dire d’emblée, avec moins de cent pages, bien aérées qui plus est, ce livre est une petite perle d’humour et d’érudition ludique. Un de ces livres dont on se dit qu’on n’en a peut-être même pas saisi tous les clins d’œil, car il faudrait être aussi cultivé que l’auteur pour y arriver. 

La structure est celle d’un roman à tiroirs, à plusieurs niveaux emboîtés, sur fond d’arnaque et de gros business éditorial. À Buenos Aires, une éditrice argentine sans scrupule propose à Horacio Presno, un de ses auteurs, de créer un faux manuscrit inédit de l’écrivain uruguayen Mario Levrero, décédé depuis quelques années déjà. Dans le texte d’Horacio, un certain Jorge Varlotta, brésilien, de passage à Colonia del Sacramento en Uruguay, découvre dans un hôtel les œuvres de Mario Levrero, les dévore, se passionne pour elles au point de sentir que Mario Levrero a écrit avant lui ce qu’il aurait pu écrire lui-même, comme un plagiat par anticipation. Mais Jorge Varlotta a pour initiales J.V. comme Jerome Vonk, lui aussi brésilien ayant découvert les livres de Levrero dans un hôtel à Colonia del Sacramento. Et Jorge Varlotta, c’est aussi le vrai nom, dans la vraie vie, la nôtre, de Mario Levrero. Alors qui est qui ?

Jérôme Vonk s’amuse beaucoup à nous mener par le bout du nez et on se laisse faire très volontiers, d’autant plus qu’on ne s’y perd pas.

Jorge Varlotta se lance dans l’écriture d’un livre dont Mario Levrero est le héros, et ce Levrero là invente une machine qui lui permet de projeter dans les esprits du voisinage les histoires qu’il invente, sans avoir besoin de les écrire, comme par télépathie. Malheureusement cette machine va avoir des effets secondaires inattendus et semer un certain désordre !

Mais quand Horacio Presno livre enfin ce faux manuscrit lévrerien à l’éditrice, leur accord secret va échouer. Et c’est là que surgit un nouveau protagoniste, chilien et avocat d’affaires, qui commence à nous raconter comment à l’occasion d’une vente de livres ayant appartenu à Mario Levrero, il a découvert, glissé entre les pages, un manuscrit inédit qui…

Et l’on en vient à se demander si Horacio et l’éditrice ne seraient pas eux-mêmes dans un nouveau tiroir, plus grand, englobant tous les précédents !

Au lecteur de se faire une idée ! 

Au-delà de l’exercice littéraire, ce livre est aussi une déclaration d’amour à l’Uruguay, à ses vins, à ses asados, et à une certaine tranquillité de vie que les Argentins et Brésiliens aiment y retrouver. Il n’hésite d’ailleurs pas à jouer avec le sourire sur les clichés qui circulent d’un pays à l’autre. 

Ce qui est certain, c’est que ce texte, émaillé de citations et d’allusions aux textes de Levrero, est un pastiche réussi qui nous plonge dans une atmosphère et une intrigue très lévreriennes. Mais l’auteur a bien d’autres référence qu’on découvrira à la lecture. Ce livre donnera envie à ceux qui n’ont pas encore lu le vrai Levrero, et ceux qui l’ont lu s’y retrouveront avec plaisir. Comme le dit le préfacier, l’auteur uruguayen Lauro Marauda : «tous les chemins mènent à Levrero».

 Photo : Jerome Vonk entre Lauro Marauda et Pablo Silva Olazabal. 

jerome vonk

 

 

 

 

 

Commentaires
LES LETTRES DE MON TRAPICHE
  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Archives