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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
13 février 2024

« Los pasajes comunes », de Gonzalo Baz. (par Antonio Borrell)

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Editorial Criatura, Montevideo, 2022, 90 pages

 

ISBN: 9788412524246

 

Gonzalo Baz, né à Montevideo en 1985, est écrivain et éditeur. En 2016, il fait partie des fondateurs de la maison d'édition autogérée « Pez en el Hielo », qui en quelques années s’est fait une belle place parmi les éditeurs indépendants en Uruguay. En 2017, son premier livre de nouvelles « Animales que vuelven » (Pez en el Hielo), remporte le prix de la première oeuvre du ministère uruguayen de l'éducation et de la culture et sera publié en 2024 en français par les éditions L’atinoir. Gonzalo Baz a organisé et traduit l'anthologie de récits brésiliens contemporains « La paz es cosa de niños » (Pez en el Hielo, 2018). Son premier roman, « Los pasajes comunes », est publié fin 2020 par Criatura Editora. En 2021, il reçoit le prix de la révélation lors de la cérémonie du « Bartolomé Hidalgo » lors du Salon du livre de Montevideo. Gonzalo Baz a été inclus dans la liste des meilleurs jeunes narrateurs en espagnol du magazine Granta.

Ce premier roman se caractérise par sa concision, avec à peine 90 pages et une structure fragmentaire, en chapitres parfois très brefs, formant des chroniques ou des « choses vues » sur la vie d’un ensemble d’immeubles habités par des classes moyennes inférieures quelque part dans Montevideo, à la charnière du vingtième et du vingt et unième siècle.

Le texte semble largement autobiographique, avec un narrateur qui s’exprime à la première personne, parfois «je», parfois «nous», incluant sa famille ou ses amis, Sami et Lucas, qui font à leur tour l’objet de chapitres à la troisième personne. Ce narrateur veut témoigner, longtemps après, pour l’ensemble des habitants des immeubles. Il réfléchit aussi à sa démarche en déclarant avoir été inspiré par Augusto, un ami brésilien qui a lui aussi écrit sur son quartier de la ville de Sao Paolo. Cela nous renvoie au travail de l’auteur sur la littérature brésilienne contemporaine et renforce l’impression d’autobiographie.

On y voit l’évolution de cet ensemble d’immeubles qui vont inexorablement se dégrader malgré les espoirs de vie meilleure des premiers occupants, à travers le regard de ceux qui y ont vécu leur enfance et leur adolescence, entre la fin de la dictature (1985) et la crise économique du début des années 2000. Le narrateur vit avec une mère dépressive et suicidaire, sa voisine Sami gagne un peu d’argent en vendant les produits d’une boulangerie voisine au porte à porte, dans les cages d’escalier des immeubles. Les ascenseurs se déglinguent, il y a des disputes, des bagarres, parfois le sang coule, il y a aussi des parties de football, ou bien le feu prend sur un terrain vague peuplé de rats. La police est malvenue dans le quartier, et parfois elle tire sur les jeunes. Certaines familles, avec le temps, arrivent à s’échapper vers d’autres quartiers. 

Il y a une intéressante métaphore dans un chapitre vers la fin du livre où l’auteur suggère un parallélisme entre le fait de fouiller le passé et celui de déterrer des bombes non-explosées dans des villes autrefois bombardées. Ou bien quand il est dit que les seuls qui savent la vérité sur le quartier sont ceux qui en fouillent les poubelles. (Et là me revient à la mémoire le livre « Pichis » de Martin Lasalt, pourtant très différent de celui-ci). Le thème de la fuite du passé et des métamorphoses urbaines rappelle aussi « Irse yendo » de Leonor Courtoisie, chez le même éditeur, et déjà commenté par le Trapiche, bien que socialement ce ne soit pas tout à fait le même type de quartier. 

En fin de compte un roman qui n’en est pas vraiment un, très bien écrit, mais qui ne verse pas dans l’allégresse. 

 

Foto_Gonzalo-Baz-web

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