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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
12 avril 2024

« Lava », de Daniel Mella (par Antonio Borrell)

 

Editorial HUM, Montevideo, 2013, 160 pages.

ISBN :  978-9974-699-50-2

Daniel Mella, né à Montevideo en 1976, s’est fait remarquer très jeune dans la littérature uruguayenne, avec son premier roman « Pogo » (1997) publié alors qu’il avait 21 ans. Ce premier livre est suivi de « Derretimiento » (1998) et « Noviembre » (2000) pour lesquels la critique se montre encore élogieuse. Après quelques années de silence, il revient avec le recueil de nouvelles « Lava » en 2013 (Prix Bartolomé Hidalgo) et le roman « El Hermano mayor » en 2016 (à nouveau prix Bartolomé Hidalgo). Ce dernier est traduit en anglais. En 2020, il publie un nouveau roman : « Visiones para Emma ».

 

 

Le Trapiche avait lu et commenté « El hermano mayor », roman qui évoquait la mort accidentelle du frère aîné de l’auteur et ses effets sur leur famille. Il y a certaines résonnances ou prémonitions entre les nouvelles de « Lava » et le roman venu après, car les deux livres se penchent sur l’intime, sur des évènements forts ou douloureux de la vie des protagonistes. Il y est question de vie de couples, de vieillesse de parents et d’enfants, d’adolescence, de premiers amours, de ruptures et de mort. Ce sont des histoires de gens ordinaires, racontées sans esbrouffe, avec un soin du détail et une finesse d’observation qui accrochent le lecteur. Elles nous plongent dans les lointaines banlieues balnéaires de Montevideo à l’est le long de la côte jusqu’à l’Atlantique, où vivent beaucoup d’Uruguayens dans des quartiers de petites maisons avec jardins et de chemins non asphaltés où les enfants vont à vélo. Mais on croise aussi des Uruguayens loin de chez eux.

 

« Lava », le premier des textes, est situé hors d’Uruguay, dans le sud du Chili et le village de Pucòn, entre lacs et volcans. Un jeune couple est venu là en « lune de miel » avec l’intention de faire un enfant. Ils coulent des jours paisibles, font l’amour, vont au restaurant et sur la plage de graviers noirs au bord d’un lac aux eaux glacées. Un jour, partis en excursions à pied dans la forêt, ils sont pris en stop par un jeune indien dans une vieille Volkswagen combi, qui les conduit chez son oncle dans un hameau près du volcan. Alors qu’ils sont hébergés dans des conditions très rustiques, et que la jeune femme a le pressentiment d’être enceinte se produit un étrange phénomène…

 

« Bocanada » évoque, par la voix d’une jeune mère, les angoisses de celle qui vient d’accoucher d’une petite fille aussitôt mise en couveuse. Les visites à la maternité du père et de leur fils aîné, encore très jeune, puis le retour à la maison en taxi, alors qu’on sent la relation du couple se défaire peu à peu.

 

Dans « La esperanza de ver », le narrateur est un pré-adolescent qui commence à tomber amoureux d’une voisine de son quartier rencontrée à la chorale animée par une bonne sœur.

 

Bruxelles est le cadre de « Tùpelo » où un jeune routard uruguayen trouve un travail dans un bar proche de la Grand Place, tenu par un rocker grec du nom de Costas. Il a un co-locataire à problèmes, et se fait draguer par Tasìa, la compagne de Benny, meilleur ami de Costas. Il y a dans cette nouvelle une ambiance qui rappelle un peu le cosmopolitisme des « Détectives sauvages » de Roberto Bolano, avec ses latino-américains vivant de petits boulots en Europe. La chute est assez inattendue et laisse le lecteur en tension.

 

« Ahora que sabemos » est l’histoire poignante d’un couple âgé, Oscar et Inés, qui bat de l’aile, sur fond de conflit sur le sort de la mère nonagénaire du premier. Inés voudrait la prendre chez eux, la mère et le fils s’y refusent. Inés semble perdre la raison, alors qu’elle va prendre une décision radicale.

 

« La emociòn de volar » se présente sous la forme du journal intime d’un adolescent qui raconte sa vie et ses premiers émois amoureux, le lycée, le sport, les vacances. On y croit vraiment et on a l’impression que Daniel Mella n’a que très légèrement retouché son propre journal, tant ce personnage a de points communs avec lui : jeune et brillant joueur de basket, passionné de surf, élevé dans une famille mormone très pieuse. Portrait craché ? Le surf et la religion sont deux thèmes très présents aussi dans son roman « El hermano mayor ».

 

Dans « Làmpara », le narrateur est sollicité par un groupe d’étudiants pour le tournage d’un document sur son oncle, chanteur marginal décédé et devenu « culte ». C’est l’occasion pour lui de se replonger dans ses souvenirs et l’histoire de sa famille.

 

Daniel Mella a l’art de finir ses nouvelles de façon inattendue et de nous laisser un peu décontenancés, là où apparemment il ne se passe rien, ou pas encore. Il faut imaginer une fin. C’est une chute sans chute, mais ça fonctionne, et le livre est convaincant.

 

 

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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