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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
8 janvier 2017

"Todo termina aqui" de Gustavo Espinosa, par Antonio Borrell.

Todo-termina-aqui-Gustavo-Espinosa

Editorial HUM, Montevideo, 2016, 180 pages.

 Gustavo Espinosa est un écrivain uruguayen né en 1961 à Treinta y Tres, petite ville du nord-est du pays sur le fleuve Olimar, et capitale du « folklore » national. Il est professeur de littérature dans le secondaire, critique, musicien, et auteur de plusieurs recueils de poésie, de nouvelles, et de quatre romans, plusieurs fois récompensé. Voir les chapitres précédents du « Trapiche », consacrés à « Las Aranas de Marte » et à « Carlota podrida ».

« Todo termina aquì » a été primé par le « Bartolomé Hidalgo » en 2016. De l’avis même d’autres auteurs uruguayens et par son succès public, Gustavo Espinosa s'impose comme un auteur majeur dans son pays.

 

« OLIMAR BLUES »

Livre après livre, Espinosa fait de Treinta y Tres, sa ville natale, un lieu de la littérature latino-américaine qui atteindra peut être un jour la notoriété d’autres territoires réels ou imaginaires rendus fameux par des écrivains. On y retrouve chaque fois cette vie provinciale, ces fêtes populaires un peu kitsch, la radio et la presse locales, ces musiciens un peu ringards qui jouent de la cumbia ou de la variété faute de mieux, et ce sentiment d’être trop loin de tout… On retrouve aussi ces plongées dans la mémoire  des années 60 et 70 (mais pour cette fois l’impasse est faite sur la dictature), l’omniprésence de citations de chansons (ou de payadas, ou de blues), et cette configuration de « triangle amoureux » entre une femme et deux amis musiciens. Le titre du roman fait référence à une chanson du célèbre groupe uruguayen des années 70, « Los Iracundos ». Enfin et surtout on retrouve l’humour décapant de l’auteur, qui cache mal son humanité et son empathie…

Ce nouveau roman se distingue pourtant des précédents par la forme, et la variété de formes, qu’il prend d’un chapitre à l’autre : feuilleton de presse, courrier des lecteurs, « road-novel », critique d’un disque, interview, monologue interieur et autres pastiches sont autant de manières de faire avancer le récit. Dès les premières pages Espinosa se met lui-même en scène, avec une bonne dose d’autodérision, en tant que célèbre écrivain local sollicité pour contribuer au supplément mensuel d’un journal tout aussi local. (Par la suite il convoque dans le roman quelques autres auteurs et critiques uruguayens réellement existants.) Commence alors un feuilleton consacré  au triste destin de Fernando Larrosa, professeur de physique, collègue et ami d’Espinosa (Larrosa/Espinosa ?) mais aussi harmoniciste de blues sous le nom d’Electron Rosa formant un duo avec un chômeur faussement tuberculeux, le guitariste Mondongo.

La femme autour de qui tourne le roman est peut-être la plus belle de Treinta y Tres, surnommée « Anita Culo », l’épouse de Fernando, que tous ses amis envient d’avoir été l’élu. Anita, Electron et Mondongo forment donc un ambigu « ménage à trois » (en français dans le texte), mais le narrateur/auteur tourne aussi à faible distance de ce foyer. Le cancer qui emporte bientôt Anita fera donc plusieurs veufs à divers degrés, et pendant sa maladie les amis sont mis à contribution par le mari, surtout le jour où, en désespoir de cause est organisé un voyage à Aceguà, petite ville perdue à la frontière du Brésil, où exercent de prétendus guérisseurs incapables de miracles. Le chapitre « Aceguà trip » relatant ce trajet en voiture avec une agonisante torturée par les douleurs, que seule la morphine soulage brièvement, est bouleversant.

Après la mort d’Anita, la déchéance physique et morale de Fernando commencée pendant la maladie va s’accélérer malgré le soutien de ses amis. Enfermé dans ses souvenirs érotiques,   sombrant dans la boulimie et dans l’alcool, ne se lavant plus, il devient une épave…

C’est alors que revient à Treinta y Tres un célèbre musicien, Mario Arbelo « El Loco » qui a fait une carrière internationale au sein du groupe « Los Iracundos ». Il décide d’inviter le duo de blues « Electron et Mondongo » au Chili, au festival de Puerto Montt, port de l’extrême sud chilien, au bout du monde, là-bas où, selon la fameuse chanson, tout s’achève…

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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