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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
31 octobre 2019

« El sable roto », de Jorge Chagas. (par Antonio Borrell)

EL-SABLE-ROTO

Editorial Fin de Siglo, Montevideo, 2016, 125 pages.

ISBN : 978-9974-49-831-0

 

Diplômé en sciences politiques et docteur en histoire, chroniqueur dans divers journaux, Jorge Chagas est né à Montevideo en 1957. Participant à des ateliers de littérature depuis 1997, il se fait remarquer en 2002 quand un de ses textes est retenu pour faire partie d’une anthologie où figurent les auteurs uruguayens les plus reconnus, comme Eduardo Galeano, Mario Benedetti, Mario Delgado Aparain… En 2003 il publie son premier roman « Gloria y tormento. La novela de José Leandro Andrade », livre consacré au footballeur afro-uruguayen qui se rendit célèbre aux jeux olympiques de Paris en 1924. Ce roman a été adapté en spectacle par une « comparsa », groupe carnavalesque, qui obtint un prix pour ce travail en 2009. Par ailleurs co-auteur d’essais, Jorge Chagas allie ses passions pour l’histoire et la littérature en écrivant des romans biographiques comme « La sombra, la novela de Ansina » (2013) ou « El sable roto, la novela del coronel Lorenzo Latorre » (2016) et enfin « La diosa y la noche, la novela de Rosa Luna » (2017) qui a aussi été adapté au théâtre.  

Sous le titre « Le sabre brisé », ce roman historique est centré sur un personnage controversé de l’histoire d’Uruguay dans le dernier tiers du dix-neuvième siècle, le colonel Lorenzo Latorre. La forme est un dialogue inégal qui tourne souvent au monologue. Un historien anonyme, un intellectuel un peu insignifiant, essaye d’obtenir du colonel Latorre, qui s’est retiré de la vie politique et exilé à Buenos Aires (où il mourut en 1916), un témoignage sur sa vie et sa carrière. Agacé et peu enclin à la confidence, le colonel rabroue ce visiteur qui le questionne au début de chaque chapitre, et lui répond in peto, de sorte que le lecteur peut accéder aux réponses qui échappent à l’historien. Néanmoins, de chapitre en chapitre le dialogue s’amorce et tourne à l’interview, même si le vieux colonel reste réservé. L’auteur donne un rythme souvent incantatoire à son texte en réitérant des phrases et parfois des paragraphes entiers, sans lourdeur toutefois, au contraire l’effet est plutôt poétique et dynamique. Le caractère documentaire de l’oeuvre n’affecte pas sa dimension littéraire.

À travers Latorre c’est toute une période clef qui est décrite, depuis la guerre de la Triple Alliance contre le Paraguay, jusqu’à la dictature pendant laquelle Latorre impose de force une modernisation qui marquera le pays, notamment avec le ministre Varela qui crée l’école publique laïque gratuite et pour tous. Mis au pouvoir par une coalition de possédants, propriétaires terriens, banquiers et autres, Latorre impose aussi la réforme de la propriété qui permet la pose de milliers de kilomètres de fils de fer sur la pampa, mettant fin à la liberté des gauchos, qui deviennent les employés des « estancieros ». C’est avec l’école universelle un changement radical qui a marqué le pays jusqu’à nos jours. Comme toute dictature, ou presque, celle de Latorre promeut un discours nationaliste et identitaire (qui resurgira sous la dictature militaire des années 1970) ainsi que la proclamation de sa vertu et de sa probité.

« El sable roto » se rattache à une tradition littéraire latino-américaine de romans sur les dictateurs et caudillos. Voilà une lecture facile et rapide qui complète utilement celle d’autres oeuvres déjà évoquées dans ce blog, par exemple « No robaràs las botas de los muertos » de Mario Delgado Aparaìn et « A bala, sable o desgracia » de Marcia Collazo, pour qui veut se faire une idée de l’histoire uruguayenne au dix-neuvième siècle.

Jorge_Nelson_Chagas_Fausto·

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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