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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
19 octobre 2017

“Cuentos” de Francisco Espinola. (par Antonio Borrell)

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Editorial Casa de las Americas, Cuba, 1975, 150 pages. 

Sans ISBN.

 

Francisco “Paco” Espinola, est mort à Montevideo le 26 juin 1973, veille du coup d’état militaire qui allait instaurer douze ans de dictature. Il était né à San José, au nord-ouest de Montevideo, en 1901, et avait donc huit ans de plus que Juan Carlos Onetti. Apres des études inachevées en médecine, il se tourne vers le journalisme. Il écrit pour les jeunes comme pour les adultes et se fait connaitre comme conteur. Au milieu des années 1930 il participe à un soulèvement armé contre le dictateur Gabriel Terra, mais il est arrêté et emprisonné. Dans les dernières années de sa vie, il adhère au parti communiste uruguayen. Ses œuvres les plus connues sont “Raza ciega” (cuentos 1926), Saltoncito (novela para niños 1930), Sombras sobre la tierra (novela 1933), Qué lástima (cuento 1933), La fuga en el espejo (teatro 1937), El rapto y otros cuentos (cuentos 1950). Elles ne sont pas encore traduites en français, mais un éditeur s’y intéresse fort.

 

Cette anthologie publiée à Cuba peu de temps après la mort de l’auteur réunit neuf textes parmi les plus connus, écrits des années 20 aux années 50. Ces nouvelles nous plongent dans l’Uruguay rural profond, religieux et superstitieux, et donc beaucoup plus latino-américain que Montevideo la capitale, très européenne et laïque. Ce sont des histoires de « gauchos », de chevaux, de bétail et d’hommes rudes qui sortent facilement leur couteau quand le ton monte, comme dans un « far-west » austral. Les nombreux dialogues rendent compte du vocabulaire et de la prononciation peu académiques de ce parler, véritable défi pour qui devra le traduire en français. Les mariages, les décès et autres évènements familiaux et religieux marquent la rude vie des gauchos et sont très présents dans ces contes dont le réalisme presque documentaire ne cache pas une empathie pour ces personnages.

 

Dans « Visita de duelo » (Visite de deuil), c’est un jeune homme qui est mort d’une douloureuse maladie, tandis que dans « Pedro Iglesias », une veuve épouse un second mari, mais son fils n’accepte pas ce « beau-père » et leur conflit aboutira à un dénouement surprenant. C’est le travail des gauchos avec leurs troupeaux qui est évoqué dans  « Yerra » (Ferrade, dirait on en Camargue) : Eugenio sauve la vie de Jesùs, un homme qu’il déteste, en déviant une bête furieuse qui fonçait sur lui. « El angelito » raconte la longue veillée funèbre d’un bébé chez un couple de « peones ». On boit, on mange, on danse aux frais du patron de l’hacienda dont la générosité ostensible pousse le lecteur à s’interroger sur son lien avec l’enfant mort… 

 

« El hombre pàlido » (L’homme pâle) est un cavalier qui, un soir d’orage et de pluie, demande l’hospitalité dans une maison isolée où vivent une jeune fille et sa mère, le père étant en voyage. Qui est cet homme, quelles sont ses intentions réelles ? La jeune fille est troublée par ce voyageur, qui cache un terrible projet…

 

« El rapto » est un texte poignant: une petite fille dont le père est alcoolique subit la déchéance de ses parents. Son amitié avec les enfants d’une famille voisine ne lui permettra pas d’échapper à son sort. « Los cinco » et « Qué làstima » sont encore des histoires de gauchos et le dernier texte, « Rodriguez » histoire saisissante, nous plonge dans une nuit fantastique où un cavalier solitaire rencontre un personnage inquiétant, peut être même le diable en personne… 

 

Il faut découvrir « Paco » Espìnola, dont l’influence se fait encore sentir chez de jeunes auteurs, notamment Martin Bentancor déjà évoqué dans « Les Lettres de mon Trapiche ».

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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