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LES LETTRES DE MON TRAPICHE
27 avril 2019

« Los Trabajos del amor », de Damián González Bertolino. (par Hélène Porcher)

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Estuario editora, Montevideo, 2015,

ISBN: 978-9974-720-14-5

 

Damián González Bertolino est né à Punta del Este en 1980, et y a vécu presque toute sa vie. Depuis 2002 il exerce le métier de professeur de littérature dans divers lycées de Maldonado, ville de l’est uruguayen dont dépend Punta del Este. En 2009 il obtient le grand prix “Narradores de la Banda Oriental” pour son livre “El increíble Springer”. Il a aussi publié des recueils de nouvelles: “Los alienados” (2009), “Standard” (2012) et une selection de chroniques personnelles et réflexions sous le titre  “A quién le cantan las sirenas” (2013). Estuario a publié en 2013 son roman “El Fondo” (réimpression en 2015), et en 2014 a réédité “El increíble Springer”.

  

Tout commence dans le rire et finit dans les cris. Voilà en quelques mots le résumé d’un roman dont l’originalité du thème et surtout de son traitement fait éprouver au lecteur des sensations aussi fortes que contradictoires. Deux pauvres types,Toto et Morales, pieds nickelés de la petite délinquance, personnages de BD genre bidochons, sont les exécutants des basses œuvres d’un certain Don Gallet, alias « Cara de Semen » un parrain de la délinquance. Prendre livraison d’un macchabée sur le lieu du crime et le ramener nuitamment dans le coffre de leur voiture à son domicile afin que son épouse l’y trouve à son retour de voyage, voilà la mission qui est confiée aux deux compères.

Le style de l’auteur est particulièrement truculent et m’a fait penser à celui de Frédéric Dard et des polars San Antonio. Cocasse, imagé, où l’argot et le langage fleuri se mêlent pour dérouter, divertir tout en suscitant une certaine inquiétude chez le lecteur qui perçoit très vite que l’équipée ne sera pas de tout repos. Car en effet la mission semble simple et sa présentation comme celle des protagonistes est faite sur le mode du comique débridé. On se rend vite compte que tout va dérailler et que le traitement par l’humour de situation toutes plus absurdes les unes que les autres n’est que le travestissement d’un drame, celui de l’extrême violence du « milieu », celui de l’indigence d’une certaine frange de la population uruguayenne, celui des travers d’une police ou l’ego des petits chefs et les méthodes d’intimidation de ces derniers vont à l’encontre de l’équité... 

Le lecteur est comme embarqué à bord du véhicule corbillard conduit par Morales et perçoit vite que les consignes de don Gallet seront transgressées ce qui provoquera au cours de cette équipée nocturne une succession de conséquences en chaîne d’une violence de plus en plus paroxystique. Je dois dire que les images d’humiliation et de tortures telles que décrites à la fin du roman m’ont glacée d’horreur. Le sobriquet «  Cara de semen » prend alors tout son sens.... 

Vous l’aurez compris, ce roman est inclassable, déroutant. Il m’a divertie puis horrifiée. La plume de Damián González Bertolino est originale et son style fleuri, la cascade de situations ubuesques dans lesquelles se retrouvent les personnages au cours de cette nuit cauchemardesque sont totalement invraisemblables. L’imagination du lecteur est en permanence sollicitée et, malgré l’invraisemblance des situations, on se laisse entraîner en frissonnant de plus en plus jusqu’au dénouement.

 

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  • Comptes-rendus de lectures (en français) sur des auteurs et livres d'Amérique du Sud non traduits en français. Blog créé et géré par un auteur péruvien (J. Cuba-Luque), un français (A. Barral) et une traductrice (L. Holvoet). Trapiche : moulin à canne
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